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Tribune « Julie Victoire Daubié, une pionnière » : la tribune en hommage à toutes les femmes qui combattent encore pour l’égalité

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À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars 2024), près de 50 personnalités - dont Laure Adler, Sylvie Pierre-Brossolette, Jean-Louis Debré, Nicolas Mathieu ou encore Hélène Boulanger - ont signé la tribune « Julie Victoire Daubié, une pionnière ». Première femme « bachelier » de France en 1861, cette Lorraine a mis sa renommée au service de la condition des femmes et milite pour l’obtention de droits égaux entre femmes et hommes.

Le parcours et les écrits de Julie Victoire Daubié, née il y a deux siècles le 26 mars 1824, ont changé la condition des femmes. 
Aujourd’hui, des rues, des écoles et une Faculté de droit portent son nom. Qui était-elle, et quel héritage nous laisse-t-elle ?
Née dans les Vosges à Bains-les-Bains où son père est directeur de la Manufacture Royale, elle devient très tôt orpheline de père et grandit à quelques kilomètres de là, dans le petit bourg de Fontenoy-le-Château. Elle bénéficie, en plus de l’enseignement reçu à l’école de la commune, des cours donnés à domicile à ses frères. À vingt ans, elle obtient son brevet supérieur ; ce diplôme, indispensable pour enseigner, est l’un des rares délivrés aux filles. Elle accepte ensuite des préceptorats qui la conduisent à Paris où elle enseigne et parfait ses connaissances en assistant comme auditrice aux cours du Muséum d’histoire naturelle.
Sa vie bascule en 1858, lorsque l’Académie de Lyon met au concours une question d’une actualité brûlante : Étudier, rechercher, surtout au point de vue moral, et indiquer aux gouvernants, aux administrateurs, aux chefs d'industrie et aux particuliers quels seraient les meilleurs moyens, les mesures les plus pratiques :
1/ Pour élever le salaire des femmes à l'égal de celui des hommes lorsqu'il y a égalité de services ou de travail ;
2/ Pour ouvrir aux femmes de nouvelles carrières, et leur procurer des travaux qui remplacent ceux qui leur sont successivement enlevés par la concurrence des hommes et la transformation des usages et des mœurs. 
Pour y répondre, elle côtoie les ouvrières et mène une recherche approfondie qu’elle expose dans un mémoire où elle traite en dix chapitres des conditions du travail des femmes et des causes de leur précarité. Étudiant la question des mœurs, des droits et des professions ouvertes aux femmes en France et à l’étranger, cetravail savant et engagé remporte le concours. Ses résultats sont publiés dans le Journal des économistes et constituent le socle de son ouvrage le plus célèbre La Femme pauvre au dix-neuvième siècle, dont la première édition paraît en 1866. 
L’une des conclusions fortes de son étude est l’importance de l’éducation des femmes, en tant qu’elle conditionne leur accès à des métiers mieux payés. Julie Victoire Daubié montre le chemin en osant briguer le baccalauréat, porte d’entrée à l’Université et pour l’exercice des professions libérales. En 1861, elle passe les épreuves de cet examen à Lyon où, depuis le concours, elle bénéficie de nombreux appuis, notamment parmi les saint-simoniens, dont François Barthélémy Arlès-Dufour. Elle devient ainsi la première femme « bachelier ».
 
Mais sa quête de diplômes et sa volonté d’apprendre ne s’arrêtent pas là. Julie Victoire Daubié continue de développer ses qualités de chercheuse, privilégiant la vérité des faits observés et la construction d’une pensée rationnelle. Dix ans plus tard, elle est diplômée par la Sorbonne et devient la première femme licenciée ès Lettres. Son exemple est ensuite amplement suivi, surtout après la réforme des lycées de jeunes filles en 1924 et l’alignement des programmes des enseignements proposés aux filles sur ceux des garçons.
Fidèle à ses valeurs, elle met sa renommée au service de la condition des femmes et milite, avec détermination et une ironie mordante, pour l’obtention de droits égaux, dont le droit de vote. En 1870, estimant que la législation en vigueur l’autorise déjà, elle envoie ainsi pétitions et lettres à de nombreux élus pour réclamer la reconnaissance immédiate du droit de vote à toutes les femmes célibataires ou veuves payant l’impôt, droit que les femmes avaient dans les assemblées municipales jusqu’en 1789 et qu’elles ont perdu avec le code Napoléon. 
À la même époque, elle participe aussi à la Commission des dames chargée d’examiner les questions relatives à la réforme de l’instruction primaire mise en place par Jules Ferry, maire de Paris. Les travaux de cette commission, qui concluront à la nécessité de rendre cet enseignement obligatoire, laïc, gratuit et mixte serviront de base aux lois sur l’école de 1881 et 1882, même si l’exigence de mixité semblera trop hardie aux républicains. 
Sans relâche, Julie Victoire Daubié publie, en particulier dans la presse, participe à la création d’associations et développe des liens avec les mouvements féministes européens et américains : un combat pour les femmes, avec certains hommes, au nom de l’égalité et de la justice. 
Mais, terrassée à 50 ans par la tuberculose, elle n’a pas pu finir sa thèse de doctorat sur "La condition de la femme dans la société romaine.” 
Au XIXe siècle, l’industrialisation s’accompagnera d’une forte fragilisation de la condition féminine, et seule l’ouverture progressive d’écoles offrira aux femmes la possibilité de s’orienter vers de nouveaux métiers, de s’épanouir intellectuellement et d’obtenir des droits égaux. Les questions de l’accès aux études, des moyens de subsistance et de l’indépendance des femmes, au cœur des investigations et du combat de Julie Victoire Daubié, sont bien sûr celles de son siècle, mais continuent encore de se poser dans le monde du travail - les femmes ont un moindre salaire à compétences et postes équivalents et s’orientent moins vers les emplois les mieux rémunérés, en particulier dans les métiers liés aux nouvelles technologies. 

En 2024, à l’heure du bicentenaire de sa naissance et de sa commémoration nationale par l’Institut de France, dédions cet hommage à toutes les femmes qui combattent encore pour l’égalité et pour devenir "dans la société tout ce qu’elle[s sont] capable[s] d’être" (Julie Victoire Daubié). 
 
Signataires 
Le comité scientifique (rédactrices)
Céline CADIEU-DUMONT, Directrice des Archives Départementales des Vosges, présidente du comité scientifique 
Véronique ANDRÉ-DURUPT, Association des Amis du Vieux Fontenoy – Auteure de la biographie de Julie Victoire Daubié 
Geneviève FRAISSE, Philosophe, directrice de recherche émérite au CNRS / CRAL – EHESS 
Valérie GOESEL-LE BIHAN, Professeure de droit public à l'Université Lumière Lyon 2, Faculté de Droit Julie-Victoire Daubié 
Manuela MARTINI, Professeure d’histoire contemporaine à l’Université Lumière Lyon 2, Membre de l'Institut Universitaire de France, Responsable de l’axe Genre et société du laboratoire LARHRA 
Amélie PUCHE, Post-doctorante FNS, IHM - université de Lausanne 
Rebecca ROGERS, Professeure d’histoire de l’éducation, à Université Paris Cité, Centre de Recherche sur les Liens Sociaux CERLIS/CNRS
 
Le comité d’organisation
Christine DEVALLOIS - Présidente de la Ligue de l’enseignement des Vosges, Vice-présidente du CIDFF Vosges Centre d’information sur les droits des femmes et des familles, Présidente du Comité d’organisation du Bicentenaire
Sophie et Frédéric BOUVIER - Propriétaires de la Manufacture Royale de Bains
Sabine LESUR – Journaliste
Joseph KLEINPETER – Président de l’Association des Amis de la Manufacture Royale de Bains
Le comité de marrainage et de parrainage : 
Michelle PERROT - Historienne, professeur émérite d’Histoire contemporaine
Mona OZOUF - Historienne et philosophe spécialiste de l’éducation et de la Révolution française 
Adrien BASCOULERGUE - Doyen de la Faculté de Droit Julie-Victoire Daubié -Université Lumière Lyon 2
Marie-Claude BERTRAND - Présidente du Conseil National des Femmes Françaises (CNFF)
Danielle BOUSQUET - Présidente de la Fédération Nationale des Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles
Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE - Présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes (HCE) 
Jean-Louis DEBRÉ - Président du Conseil Supérieur des Archives 
Anne GINTZBURGER - Fondatrice et Présidente de TOUTES NOS VOIX, Festival pour les droits des femmes et l’égalité créé en 2023. Productrice et réalisatrice (et créatrice en 2007) de la société de production de films documentaires « Chasseur d’étoiles ».
Dominique GUILLIEN-ISENMANN - Présidente de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (3919) 
Anne-Cécile MAILFERT - Présidente de la Fondation des Femmes
Anne MONTEIL-BAUER - Fondatrice et directrice artistique de l’association “Si/si, les femmes existent, mémoire poétique”
Pascal ORY de l’Académie française
Daniel RAICHVARG - Professeur des Universités émérite, Président d'Honneur de la Société Française des Sciences de l'Information et de la Communication
Michèle VIANÈS – Présidente de l’ONG “Regards de Femmes” 
Maryse VISEUR - Présidente nationale du Centre de Formation, d’Etudes et d’Information C.F.E.I. - FEMME AVENIR
 
Membres du comité de la commémoration :
Valérie MICHEL-MOREAUX, Préfète des Vosges
Hélène BOULANGER, Présidente de l’Université de Lorraine
Sylvie D’ALGUERRE,  Conseillère régionale Grand Est - Déléguée à l’égalité femmes/hommes - Vice-présidente commission des finances 
Élisabeth DEL GENINI, Vice-Présidente de la Région Grand Est - Déléguée à la Jeunesse, à l'Engagement et à la Vie Associative, présidente de l’Office de Tourisme d’Épinal Cœur des Vosges
Frédéric DREVET, Maire de La Vôge-les-Bains, Commune de naissance de Julie Victoire Daubié
Michel FOURNIER, Président des Maires Ruraux de France, Maire de la commune Les Voivres
Jean-Jacques GAULTIER, Député des Vosges 
Daniel GREMILLET, Sénateur des Vosges
Michel HEINRICH, Président de la Communauté d’agglomération d’Epinal 
Jean HINGRAY, Sénateur des Vosges
Martine LIZOLA, Conseillère régionale Grand Est - Présidente de la commission Culture et mémoire 
Véronique MARCOT, Maire de Xertigny, Vice-Présidente du Conseil départemental des Vosges et de la Communauté d'Agglomération d'Epinal 
Yannick VILLEMIN, Président du Pays d’Épinal Cœur des Vosges (PETR) – Pays d’Art et d’Histoire - Vice-Président de la Communauté d’Agglomération d’Epinal en charge de l’attractivité et du tourisme
Patrick VILMAR, Maire de la Commune de Fontenoy-le-Château 
 
Personnalités :
Laure ADLER,  journaliste, essayiste, éditrice et productrice de télévision française
Valérie BOCHENEK - coauteur du livre et de la pièce de théâtre « Ces femmes qui ont réveillé la France »
Fabienne HENRYOT, Présidente du jury du prix littéraire Erckmann-Chatrian
Marie-José GONAND, écrivaine prix littéraire Henri THOMAS 2012.
Gilles LAPORTE, écrivain auteur de « Julie-Victoire - Le roman de Julie-Victoire Daubié, première bachelière de France » - Prix littéraire Erckmann-Chatrian 1984
Sophie LOUBIÈRE, écrivaine, journaliste, productrice de radio 
Nicolas MATHIEU, écrivain - Prix littéraire Goncourt 2018
Hélène PARISOT, écrivaine - Prix littéraire « La Plume de Vair » 2023
Alixe SYLVESTRE, écrivaine - Prix littéraire Erckmann-Chatrian 2023 

Tribune publiée le 8 mars 2024 sur les sites internet de :

  • Vosges Matin

  • Le R​épublicain lorrain

  • L'Est républicain

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